Découvrez notre appli

Nos abonnements

Découvrez nos playlists

News

Skunk Anansie, Ace - Le sens de l'envie

Cela faisait neuf ans que Skunk Anansie n’avait pas sorti d’album. Et on avait même fini par penser que, comme tant de groupes qui ont déjà bien donné, un retour en studio ne serait pas utile. Le quartette peut se permettre de tourner et de faire salle comble, simplement avec le répertoire chèrement acquis depuis plus de 3 décennies. Mais son guitariste fondateur, Ace, confirme que « The Painful Truth » est bien plus né d’une envie que d’un besoin.

Le groupe donne l’impression, avec ce septième album, de ne plus chercher à explorer des territoires trop étranges. On sent plutôt une volonté d’évidence : qu’on reconnaisse vite la voix, les mélodies, des refrains un peu pop ici ou là et avec un peu de guitare aussi, peut-être pas assez à mon goût, mais quand même quelques bons riffs… L’idée au départ était-elle de faire simple et efficace, mais pas trop expérimental ou brutal ?

Ace : Pour cet album, on a fait les choses différemment. On a commencé par se retrouver tous ensemble dans une ferme, perdue au milieu de nulle part, dans le Devon. On s’est isolés volontairement, loin de tout, même le téléphone ne captait plus, passé Exeter ! L’esprit de base, c’était de s’immerger dans l’écriture, en groupe, sans pression. On a travaillé comme ça pendant près d’un an, à coups de sessions intenses, à jouer, tester, brainstormer tous ensemble. On est revenus à une forme élémentaire : quatre musiciens dans une pièce, avec des idées et l’envie de les faire sonner. On était littéralement au milieu d’un champ, dans une grange. Il n’y avait personne autour, juste nous et la musique. On écrivait des morceaux, mais on prenait aussi le temps d’écouter plein d’autres choses : des disques, des podcasts, on discutait de la vie, de ce qui nous passait par la tête… Tout ça s’est mélangé, nous a nourris. Les chansons ont commencé à capturer une atmosphère, un moment partagé… Et puis on a réfléchi à la production. On a passé en revue différents producteurs, et c’est là qu’on est tombés sur David Sitek. Tout ce qu’il touche sonne bien, peu importe le groupe. On s’est mis à réécouter ce qu’il avait fait, et ça nous a parlé tout de suite…

Ace et Skin, plus de 30 ans de complicité. © Jean-Pierre Sabouret

Du genre, entre autres, Weezer, Foals, Beady Eye (Liam Gallagher), Scarlett Johansson, ou encore les Yeah Yeah Yeahs ?

On a surtout craqué sur ce qu’il a réalisé avec les Yeah Yeah Yeahs, oui, et, bien sûr, tout son travail pour son groupe, TV On The Radio… Le son nous parlait vraiment. Ce qui nous a frappés chez lui, c’est sa capacité à capturer le vrai son d’un groupe, brut, mais très maîtrisé. Mais on nous a prévenus : « Il ne travaille plus avec des groupes. » Notre management l’a contacté malgré tout, et il a répondu : « J’adore Skunk Anansie… Mais, normalement, je ne travaille plus avec des groupes. En revanche, venez traîner un peu avec moi, on verra si on peut déboucher sur un truc sympa. » Alors, on est allés chez lui, à Los Angeles, pendant deux semaines, sans plan précis. On a traîné, on a joué, on a composé des trucs sur le vif. Et, au bout de quelques jours, il nous a dit : « Vous êtes cool, allez, on va faire un album ensemble ! » C’est donc là que le vrai travail a commencé. On est revenus pour enregistrer, et c’était irréel. On a réarrangé des morceaux, improvisé longtemps. Toutes les guitares ont été faites en une prise, à l’arrache, pas éditées une seconde… Sur le mix final, j’ai entendu des moments où je suis encore en train d’accorder la guitare ! Mais ça marchait. Sitek savait exactement ce qu’il voulait. Parfois, il partait de nos chansons et les déconstruisait complètement : il virait tout, posait un simple beat à la boîte à rythmes, puis Mark venait rejouer une vraie batterie par-dessus, Skin ajoutait des voix, Cass une ligne de basse, moi des guitares. C’était ultra organique quand même, mais dans une méthode propre à lui.

Le jeu de guitare d’Ace, c’est « l’autre voix » de Skunk Anansie. © Jean-Pierre Sabouret

À t’entendre, il s’agit d’un vrai travail de groupe, presque instinctif. Pourtant, le disque sonne très produit, très arrangé, avec des claviers, des textures… On ne s’attend pas à ce que ce soit si rock and roll dans la méthode…

Et pourtant, c’est le cas. Tout est analogique ! Tous les claviers, tous les sons, sauf un minuscule passage sur un morceau où Dave a utilisé un beat programmé… Mais, sinon, tout a été joué en live. La batterie a été enregistrée avec un clic, mais on ne l’a pas recoupée ou corrigée. Les guitares n’ont pas été éditées non plus. Chaque prise a été jouée d’un trait. J’ai même entendu un plan où je suis encore en train d’accorder la guitare au début. Je faisais juste un test, j’ai joué un truc, et Dave m’a dit : « C’est bon, c’est celle-là. » Moi, j’étais là : « Sérieux, ce n’est pas une blague ? » Et lui : « Absolument ! » Le lendemain, je réécoute… et en fait, c’était parfait. Il avait raison et c’est ça qu’on a gardé. Il y avait une forme de liberté folle là-dedans. De l’impro totale, mais avec un instinct sûr. C’était du rock, dans l’approche la plus pure : une prise, une vraie émotion… Et tant pis si c’est un peu bancal, c’est ça qui rend le truc vivant ! Avec des moments inattendus que l’on peut décrire comme des « imperfections parfaites ».

Sur scène il met aussi le feu, ici en tête d’affiche au festival Fêtes Du Bruit Dans Landerneau le 23 août 2016. © Jean-Pierre Sabouret

Tu as tout enregistré avec ton matos habituel ?

Non, je suis arrivé à Los Angeles les mains dans les poches ! Il n’y a pas un seul de mes instruments. Le studio de Sitek était rempli de vieilles guitares poussiéreuses, un peu fatiguées, mal accordées, avec des cordes rouillées… Mais il y avait quelques trésors dans le tas. J’ai utilisé une Telecaster Deluxe, une Les Paul Goldtop, et surtout une PRS NF 53 merveilleuse, avec une justesse et une chaleur, je ne vous dis pas… Il avait aussi une PRS Custom 24 dans un coin. Je changeais juste les cordes quand c’était nécessaire. Parfois, il me passait une vieille gratte franchement pourrie en me disant : « Joue ce passage avec ça. » Et, bizarrement, ça marchait. Rien n’était vraiment accordé de manière stricte. Même la voix de Skin n’était pas auto-tunée. C’est comme si tout flottait ensemble. Une note un peu bancale passait tranquille dans le mix. Et si je doutais de moi, ils me disaient tous : « Non, c’est parfait. » Alors, je me laissais porter.

Sinon, tu tournes encore avec tes vieux amplis et guitares ou bien tu as tout changé depuis, surtout après avoir enregistré cet album avec un matos si différent ?

Pour le live, c’est hyper simple. J’ai juste un Marshall, et à la place de la Tele Deluxe, j’utilise une PRS Starla. Elle a un Bigsby, un son un peu vintage, très old school — et elle sonne quasiment comme sur l’album. Pas de pédales, aucun effet. Rien. Juste la gratte dans l’ampli. Sur An Artist Is An Artist, par exemple, je joue une baritone ESP, parce que le morceau est en accordage très bas, en do ou en si. C’est une baritone à simple bobinage, et quand je splitte le micro et que je baisse un peu le volume, ça sonne comme une Tele Deluxe accordée grave. Donc, franchement, c’est super basique. Et c’est ça que j’adore : comme l’album n’est pas chargé, en live c’est très simple à recréer, il y a de l’espace dans le mix. Pour l’essentiel, je reste attaché à ma PRS Tremonti custom, ou ma PRS Ace Signature. J’en ai deux, en fait, l’une accordée en ré# et l’autre en mi, en spare. Et puis, j’allais oublier, il y a cette vieille Martin acoustique, qui tombe littéralement en morceaux, mais qui sonne encore super bien.

Une longue et étroite collaboration avec PRS. © Jean-Pierre Sabouret

Celle que tu avais sur la tournée acoustique de 2014… Vous n’avez pas envie de retenter l’expérience, d’ailleurs ?

Mmm, je ne sais pas… C’était intense, mais on a tous pris du poids pendant cette tournée (rires) ! On passait notre temps à manger, à bien vivre, à jouer assis tous les jours, sans trop bouger… C’était plutôt relax. Mais, pour être honnête, je ne suis pas très fan de l’exercice de réadaptation des morceaux en acoustique. Et si on doit refaire ça pour « The Painful Truth », ce sera encore plus compliqué : cet album ne se laissera pas facilement traduire en version unplugged. Il a quelque chose de trop particulier, presque trop étrange ou trop dense pour ça. En acoustique, on a un peu essayé et ça sonne… bizarre. Ça ne fonctionne pas vraiment.

D’autant qu’il manque quelques effets dont tu es friand…

Oui et non, je n’en abuse pas non plus. Mais c’est vrai que j’aurais du mal à me passer de mon overdrive PRS Horsemeat. Elle ne colore pas le son, tu ne l’entends presque pas : juste un boost de sustain, très transparent. Quand elle est enclenchée ou pas, la différence est subtile, mais pas moins efficace pour autant… Allez, sur mon pédalier, qui reste très raisonnable, j’ai aussi une nouvelle venue que j’adore, l’Angry Rhubarb (Redbeard Effects, NDR). Je l’utilise notamment en début de set avec la baritone. Elle donne un son très Black Sabbath, très gras, parfait pour ouvrir le concert.

Article paru dans le numéro 370 de Guitar Part.

Skunk Anansie c’est la vie !

Skin aime rappeler cette scène, en 1996, où, après un concert brûlant à Milan, un fan s’est glissé dans son van, juste pour lui dire : « Merci, je me sens vivant ! » Ce lien viscéral entre Skunk Anansie et son public n’a jamais faibli. Que ce soit devant 100 000 personnes à Glastonbury ou dans un Olympia complet (le 26 mars), le groupe joue chaque soir comme si c’était le dernier. L’énergie évolue, mais la sincérité reste intacte.

Galerie photos

Vous aimez cet article ?
resdqcd
Alors allez faire un tour sur notre espace pédagogique, vous y trouverez une centaine de vidéos matos, des tests de guitares, de pédales, des tutos et plus encore !
Découvrir
Interviews
Jean-Pierre Sabouret
26/8/2025
Jean-Pierre Sabouret
plus d'articles