Encore une fois, vous avez réussi à créer un équilibre parfait entre ce qui fait l’ADN du groupe et des touches plus en adéquation avec la période actuelle. Comment procèdes-tu pour toujours rester à la page ?
Il n’y a pas vraiment de secret. Il y a toujours plusieurs années entre nos albums et les situations évoluent. Je me nourris de cela. Dans un sens heureusement que j’apprends encore de nouvelles choses, sinon cela serait très ennuyeux (rires). La manière de procéder reste toujours assez organique. Nous assemblons les titres petit bout par petit bout, en passant mal de temps tous réunis sur les arrangements. C’est encore un plaisir pour nous que de partager tous ces moments ensemble.
Est-ce que Joey Conception - arrivé en 2023 – a pu poser sa patte sur les arrangements ?
Non, malheureusement, car l’album était déjà composé lorsqu’il nous a rejoints. Cela ne l’a pas empêché de venir en Suède pour enregistrer ses soli. Là encore, nous avons passé de super moments avec lui. Il est resté presque une semaine avec nous.
Il semblerait effectivement que l’écriture ait débuté il y a plus de 2 ans, avec le titre Liars & Thieves…
Pas exactement, car j’avais commencé l’écriture de Paper Tiger, lors des sessions de « Deceivers », mais il n’était pas terminé. Parfois, il manque une pièce au puzzle et, comme nous avions suffisamment de titres à l’époque, il a fini dans un carton. C’est le seul titre que nous avons recyclé. Il faut quelquefois attendre des années avant de trouver ce qu’il manquait au titre. L’enregistrement de « Deceivers » avait débuté mi 2020 et j’ai recommencé à écrire vers la fin de la même année. Je collecte des idées en permanence, je joue de la guitare tous les jours, donc le processus reste toujours assez naturel. Je ne dis jamais : « Maintenant, je dois écrire 10 chansons ! » Les albums sont toujours le fruit d’années de travail, quoi qu’on en dise…
Est-ce donc la raison pour laquelle l’album est si varié ? Avec ce temps que tu passes à collecter tes idées, on peut facilement imaginer que ton état d’esprit varie au cours des semaines, mois ou années.
Inconsciemment, peut-être, mais je n’en suis pas convaincu. Il y a toujours des éléments externes qui influent sur ton état d’esprit, mais nous voulions surtout créer un disque dynamique. Nous pensons « album » dans son entièreté, pas seulement singles ou EP. À mon sens, cela te pousse à bien penser à la structure de tes morceaux, afin que ton disque ait un début, un milieu et une fin.
On comprend mieux pourquoi les deux premiers titres que vous avez sortis sont très différents, puisqu’il s’agit du premier et du dernier titre de l’album.
Exactement ! Le début et la fin (rires). D’ailleurs, certains passages du clip de Liars & Thieves proviennent de notre dernier concert à Paris. Nous avons en permanence quelqu’un qui nous filme pour nos réseaux sociaux. Il a monté ce clip dans le tour-bus et c’était vraiment cool de le voir avancer sur la vidéo. J’adore ces images, surtout quand les fans y sont intégrés. Voir leur passion et leur joie, c’est magique !
Ces fans sont d’ailleurs de plus en plus nombreux. Que de chemin parcouru depuis plus de 25 ans…
C’était même impensable. Nous avons joué partout en France, dans des salles de toutes capacités. Je me remémorerai toujours la Boule noire, par exemple. Mais il y a tant de grands souvenirs… Je me considère toujours comme incroyablement chanceux. Nous fêterons les 30 ans de notre premier album l’année prochaine. Nous allons être très occupés avec la sortie de « Blood Dynasty » cette année, mais nous ferons surement une grande célébration en 2026, c’est certain. Mais, lorsque je repense à l’enregistrement de notre premier album, cela ne me semble pas si lointain. Les souvenirs sont très vivaces encore dans ma tête. Alors que ceux de ma vie hors du groupe semblent dater d’il y a 100 ans (rire). Elle est si différente maintenant. C’est un long voyage, mais il a été la plupart du temps assez fun. Je me sens vraiment verni d’avoir déjà pu accomplir tout ça. Quand je vois – encore récemment – que certains de mes amis ne sont plus là, je ne peux qu’être reconnaissant. C’est aussi pour cela que j’essaye de mener la vie la plus saine possible, d’apprécier tous ces moments avec la musique et les fans. C’est aussi pour cela que je suis très excité à chaque sortie d’album, j’adore créer de la musique et la partager.
Pour l’occasion, tu as un nouveau modèle signature qui diffère de tes précédents modèles. Peux-tu nous en parler ?
Bien sûr. Dean m’a demandé si je voulais créer un nouveau modèle signature, nous avions travaillé ensemble sur la Tyrant, mais cela remonte déjà à 2008, il me semble. Ça fait un bail (rires). Cela fait 3 ou 4 ans que nous parlons de ce nouveau modèle et le temps est enfin venu. Cela prend pas mal de temps de créer un nouveau design, il ne faut pas qu’il soit « merdique ». Mais j’adore ce processus créatif, jamais je n’aurais pu imaginer qu’un jour on me demanderait de créer ma propre guitare. C’est assez flippant, finalement, car des gens vont l’acheter derrière et il faut qu’elle soit à la hauteur… Le gamin que j’étais et qui apprenait la guitare m’en voudrait terriblement si elle était nulle (rires).
Hormis la forme, as-tu apporté d’autres modifications ?
Le manche est un peu différent. Il y a deux modèles, avec et sans Floyd, ce qui est une première depuis que je suis chez Dean. C’est amusant, car, en live, je n’ai pas joué avec un Floyd depuis des années. Bien entendu, en studio, c’est différent. Cela te permet plus de liberté et de créativité, pour créer des sons particuliers. Mais, maintenant, je vais de nouveau pouvoir le faire live. Le corps est lui aussi plus fin. En réalité, cette guitare est quand même inspirée de la Tyrant, les cornes sont identiques, mais une troisième a poussé (rire). La tête reverse est aussi une super idée. Je suis en train de la regarder en ce moment même et je la trouve vraiment cool. Je l’ai utilisée pour la première fois dans le clip de Dream Stealer et les retours ont été plutôt cool. Tu sais, les fans de guitares sont parfois encore plus durs que les fans de metal (rires).
Ont-elles servi pour l’enregistrement de l’album ?
Absolument ! J’ai également utilisé ma Tyrant. Mais le problème, lorsque tu enregistres dans un studio comme celui de Jens Bogren, c’est que tu as tellement de guitares à ta disposition que c’est très tentant. D’autant qu’il sait parfaitement quoi utiliser pour faire sonner au mieux ta musique. C’est arrivé plus d’une fois qu’il me dise de tester telle ou telle guitare pour des overdubs. Pour finir, il mixe l’ensemble et c’est ce que l’on retrouve sur le disque. C’est la même chose pour les amplis, nous en avons utilisé tellement de différents que je serai incapable de te dire lequel a servi à quel moment. C’est bien différent de ce que l’on faisait avant, lorsque j’arrivais avec mon ampli, mes baffles et mes pédales pour capturer mon propre son. Maintenant, quand je débarque au studio, je peux mélanger plusieurs têtes, préamplis, etc. Je m’y perds un peu parfois, mais le résultat est vraiment cool et Jens sait parfaitement ce qu’il fait.
Quelle est ton approche du son live par rapport au studio ?
Pour être honnête, je n’ai pas changé de setup depuis 2008. Je sais, bien entendu, qu’il y a plein de nouveautés, mais mon matériel reste le même. Je ne suis plus du tout dans la recherche permanente de la perle rare ou autre. Le plus important, pour notre ingénieur du son et pour moi-même, c’est que le matériel fonctionne parfaitement chaque soir sans surprise aucune et c’est le cas avec mon setup actuel. Au début des années 2000, j’ai eu des systèmes analogues avec des tonnes d’effets. Ça sonnait forcément super bien, mais parfois, sans aucune raison, ça ne fonctionnait pas et, quand tu joues tous les soirs ou presque, tu ne peux pas te le permettre. Aujourd’hui, j’ai un vieux préampli digital, une tête Marshall JVM pour la puissance et un Tube Screamer. Cela reste très simple, finalement.
La setlist est maintenant principalement orientée sur les albums avec Alissa. Pensez-vous réintroduire quelques morceaux plus anciens et qui ont fait votre renommée ?
Je ne sais pas, cela dépend vraiment de la durée de notre set. Lorsque le show ne dure que 70 minutes, nous axons la setlist sur les 10 dernières années, même s’il y a toujours des titres comme Ravenous ou My Apocalypse. À nos yeux, il y a tellement de titres géniaux depuis l’arrivée d’Alissa, comme The Eagle Flies Alone ou War Eternal, que le choix est difficile à effectuer. Mais j’aimerais quand même que l’on puisse ressortir quelques vieux titres que nous n’avons pas joués depuis longtemps.
Vos dernières prestations en France restent effectivement dans cet ordre d’idée de 70 minutes.
Quand tu joues dans de grosses salles, comme nous le faisons actuellement, tu te dois d’avoir un package solide et, souvent, il y a 4 groupes ; donc, oui, notre show est plus réduit et nous faisons des choix. Parfois, je sors de scène et j’ai l’impression de n’avoir pas tout donné. Mais, a contrario, lorsque nous jouons au Japon, nous n’avons jamais de première partie. Il n’y a que nous et, généralement, nous jouons plus de 100 minutes. J’adore jouer des concerts plus longs, mais il faut s’adapter.
Pour conclure, JB Christoffersson a dit récemment qu’il voudrait célébrer les 20 ans de « Demons » avec Spiritual Beggars. Peut-être l’occasion d’un show anniversaire. En avez-vous parlé ?
Il a vraiment dit ça ? Non nous n’en avons pas parlé, mais c’est un album vraiment sous-coté à mon avis. D’autant que nous n’avons pas vraiment tourné pour le défendre… Mais, non, il n’y a rien de prévu dans ce sens…
Article paru dans le numéro 368 de Guitar Part.
Cela n’échappera pas aux francophones, ce nouvel album d’Arch Enemy contient Vivre Libre, une reprise du mythique groupe de heavy metal made in France, Blasphème. Pour cette occasion, nous avons laissé carte blanche à Philippe Guadagnino – bassiste et fondateur du groupe depuis 1981 –, afin qu’il questionne Michael Amott sur son choix.
Philippe : Pourquoi avoir choisi Blasphème et pas un autre groupe de heavy français ?
Nous avons par le passé fait beaucoup de reprises pour diverses éditions de nos albums et nous sommes en recherche permanente de nouveaux titres à reprendre. Je pense que ce n’est un secret pour personne, je suis un immense collectionneur de vinyles et particulièrement de heavy metal. Du plus connu au plus obscur, il me les faut tous (rires) ! J’aime particulièrement la scène française, qui a été très riche et très active dans les années 80. J’adore les paroles en français, même si cela a rendu l’exportation hors de France plus compliquée. J’adore aussi les groupes comme Sortilège, Trust, Satan Jokers, H-Bomb, Warning… Même si Blasphème est peut-être un peu moins connu, lors de mes recherches, je suis tombé sur leurs 2 premiers albums et j’ai adoré « Désir De Vampyr ». Et, généralement, quand j’adore un disque que je découvre ainsi, je le fais écouter aux autres dans le bus. C’est là ou Sharlee (D’Angelo, basse) a fait remarquer que ce serait un super titre à reprendre avec Arch Enemy, d’autant qu’Alissa parle français. C’est ainsi que tout a commencé. À la base, la chanson devait être un titre bonus, mais, quand nous avons entendu le résultat final, elle se devait être sur l’album. C’est la première fois que nous incluons une reprise dans l’album de base.
Philippe : C’était donc important pour vous de garder les paroles en français et de ne pas en faire une traduction en anglais ?
Ça n’aurait eu aucun sens et il perdrait tout son côté épique. Un journaliste allemand m’a fait remarquer hier que ce serait un titre génial à faire chanter au Wacken, même si les paroles sont en français. Je trouve qu’il donne une excellente dynamique à l’album
Philippe : est-ce uniquement ce titre que tu aimes ou apprécies-tu également le reste de notre discographie ?
J’aime les deux premiers albums. C’est vraiment du heavy à l’ancienne comme j’aime, avec un excellent songwriting. J’espère que vous apprécierez notre reprise et que vous ne serez pas déçu par notre approche du morceau.