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Les tribute bands du rock

Il y a vingt ans, on célébrait en grande pompe les 50 ans du rock. Faites le calcul… Oui, ça pique : on est aujourd’hui à 70. Le genre est désormais un  « patrimoine culturel ». Comme pour Mozart, Beethoven ou Bizet, on assiste aujourd’hui aux concerts sans trop se demander ce qu’en penseraient les intéressés. Classique, jazz, traditionnel ou rock, même combat : nombre de leurs icônes ne sont plus de ce monde, mais ces musiques ont rejoint le rang des classiques incontournables. Les tribute bands ne font que prolonger cette logique. Ils transmettent, rejouent, remettent en circulation. Avec plus ou moins de fidélité, plus ou moins de respect, parfois une touche de folie… Mais, le plus souvent, avec un vrai amour des originaux et de leurs spectacles grandioses.

Le rock, aujourd’hui, c’est une sorte de nouveau classique. Depuis des lustres, on va voir « Don Giovanni », « La Flûte enchantée », « Carmen » ou « L’Anneau du Nibelung » sans se demander un instant ce qu’en penseraient Mozart, Bizet ou Wagner. De même, on se rend désormais aux spectacles de The Australian Pink Floyd Show, The Rabeats, The Musical Box, l’Héritage Goldman, David Hallyday (Requiem Pour Un Fou), The Rolling Stones Story, So Floyd, Fuzz Top, Rain, Metallica Reloaded, Brit Floyd, Rootsrider, With U2 Day, Nirvana UK, One Night Of Queen, Absolute Bowie, The 5 Rosies, Letz Zep, The Iron Maidens, Queen Extravaganza ou quelques centaines d’autres aux quatre coins de la planète, pour revivre, souvent en famille, une expérience collective sonore autant qu’émotionnelle. Les tribute bands apparaissent dès lors comme l’un des vecteurs les plus visibles de cette transformation du rock en répertoire « classique ». À la fois passeurs, interprètes et parfois imitateurs, ils rejouent les grands morceaux de la mémoire rock pour un public qui, très souvent, n’a jamais vu les originaux sur scène. Ils créent une illusion passagère, un moment d’émotion, un effet miroir, comme si l’on entrait dans une autre dimension temporelle. Avec plus ou moins de moyens, plus ou moins de respect, plus ou moins de talent, des musiciens et chanteurs de tous âges sont là pour transmettre une passion sincère.

Initiation ou reconversion

Du côté de ceux que l’on va voir sur scène dans les plus grandes salles, comme dans les bars, il y a ceux qui commencent par un tribute, faute de mieux ou par goût de l’efficacité. Reprendre les Beatles ou AC/DC, c’est tout de suite plus sexy que s’époumoner dans un bar vide avec des compos bancales. Et puis, ça joue, ça tourne, ça remplit. Les jeunes y voient une école : technique, présence, rigueur. Et parfois, ils y restent. D’autres « jeunes depuis beaucoup plus longtemps » arrivent après avoir tout tenté : labels morts, groupes explosés, ego usés. Le tribute, c’est alors une bouée. Mais une bouée qui fait au moins des grandes salles, du Zénith (à Paris comme en province) au Dôme De Paris, en passant par le Palais Des Congrès, L’Olympia, ou Pleyel… Le public est là, le cachet est plus que correct. Certains y retrouvent une forme de liberté : ne pas avoir à se vendre, juste bien jouer. Et c’est finalement là, dans l’ombre d’un autre, qu’ils sont enfin eux-mêmes. Sur la scène en expansion des tribute bands, on croise de tout : des vieux briscards passés par mille groupes, mille galères, lesquels trouvent enfin une stabilité et un public fidèle en interprétant du Bowie ou du Dire Straits, des anciens pros revenus de tout, qui rejouent Back In Black avec le sourire, parce que ça paie les factures et que ça fait du bien. Et, à l’autre bout de cette chaîne, des jeunes musiciens ultra-techniques, formés au conservatoire ou à YouTube, qui s’attaquent au répertoire de Queen, Nirvana ou Pink Floyd comme à une matière sacrée. Certains se rêvaient compositeurs, d’autres sont trop heureux de simplement monter sur une scène, quelle que soit sa taille. Ces derniers y trouvent un terrain où ça joue, où ça tourne, et où ça attire du monde. On a vu des ados reprendre Hendrix à 16 ans, ou des guitaristes de 60 piges repartir en tournée comme ils ne l’espéraient plus. Le tribute, c’est parfois la porte d’entrée, mais aussi une très belle sortie. On pourra même y trouver le vrai centre. Jeunes ou vieux, chacun y trouve son compte, sur scène comme dans le public.

Hommage ou carnaval ?

Tout n’est cependant pas rose dans le monde du tribute. On y trouve de vraies pépites, mais aussi des clones fatigués, des impostures mal maquillées, des groupes qui capitalisent sur un nom sans l’assumer sur scène. Il y a les perfectionnistes et les bricoleurs, les passionnés et les profiteurs. Certains tributes frisent le karaoké sous stroboscope, d’autres enchaînent les festivals avec un professionnalisme sans faille. Il faut trier. Le public s’y perd parfois, et les musiciens aussi. Et il suffit d’un tribute bancal pour dégoûter des milliers de gens du concept. Trop de tributes tuent le tribute ? Peut-être… Mais ce n’est pas une raison pour jeter tout le paquet. Car, dans ce monde devenu très concurrentiel, ceux qui tiennent la route finissent par émerger. La qualité, ça se voit. Et ça s’entend ! Jouer deux morceaux des Beatles à la fête de la bière, c’est une chose. Mais tenir tout un show sur la durée, et s’attaquer sérieusement à des répertoires comme ceux des Beatles, de Led Zeppelin, AC/DC, Queen, Johnny, Goldman ou Pink Floyd, c’en est une autre. Le public connaît chaque break, chaque intonation, chaque frisson d’origine. Et il ne pardonne rien. Ceux qui montent sur scène avec ces répertoires-là n’ont pas droit à l’erreur : il faut être calé, carré et, surtout, sincère. Le tribute, ce n’est pas juste rejouer un disque ou reproduire un concert vu en DVD. C’est réussir à faire oublier qu’on n’est pas les vrais. Et sur ce point, c’est la règle, il n’y a pas de place pour l’amateurisme et l’improvisation. Maintenant, on pourra nuancer avec certaines approches plutôt parodiques qui se sont révélées des plus réjouissantes, de Dread Zeppelin aux Rutles, en passant par Beatallica ou Piss… Des hommages absurdes, décalés, parfois potaches, mais qui restaient toujours portés par une vraie affection pour la musique qu’ils détournent. Comme quoi, même en rigolant, on peut être fidèle à l’esprit des originaux.

Approuvés par les fondateurs

C’est avec le même humour et respect que certains musiciens encore bien vivants soutiennent eux-mêmes les tribute bands qui leur sont consacrés. Brian May et Roger Taylor ont produit Queen Extravaganza, tout en disant le plus grand bien des autres. Mick Fleetwood a adoubé Rumours Of Fleetwood Mac. Billy Gibbons a salué les Français de Fuzz Top. Après avoir assisté à une performance du groupe hommage Letz Zep, Robert Plant a déclaré : « Je suis venu et je me suis vu ! » En 1996, pour célébrer son 50e anniversaire, David Gilmour, plutôt que de monter sur scène, a invité The Australian Pink Floyd Show à se produire lors de la fête. Personne n’a osé lui reprocher quoi que ce soit ! Sauf peut-être, mais en privé, Roger Waters. Ce dernier n’a jamais commenté publiquement les tribute bands consacrés à Pink Floyd. Mais, connaissant son intransigeance, on rappellera simplement qu’il considérait déjà les tournées de Pink Floyd sans lui comme une sorte de tribute band déguisé. Steve Hackett, ancien guitariste de Genesis, est non seulement monté sur scène avec The Musical Box, mais il mène aussi ses propres tournées sous le nom « Genesis Revisited ». Notamment, en 2002, il est monté sur scène avec le « groupe hommage » (comme disent les Québécois) canadien au Royal Albert Hall de Londres pour interpréter Firth Of Fifth en rappel. Il a de nouveau partagé la scène avec The Musical Box en Suisse, le 26 janvier 2012, lors d’un concert à Zurich… Ce soutien vaut validation officielle ou reste un simple clin d’œil amusé. Et dans une époque où l’ego n’est jamais bien loin, c’est presque rassurant de voir des légendes vivantes applaudir des copies bien faites. Ça prouve que, parfois, le rock a encore un peu de discernement…

Le son, pas l'illusion

Rejouer un grand nom du rock, c’est aussi s’attaquer à son son. Et là, ça se complique ! Trouver le bon delay de Gilmour, le crunch d’Angus, le sustain de Santana ou la propreté clinique de Knopfler, ce n’est pas juste une question de pédale. Les tribute bands sérieux bossent leur matos au détail : guitares d’époque ou rééditions, amplis équivalents ou simulations haut de gamme, rig parfaitement copié, modélisation fidèle… Les plus acharnés poussent jusqu’à recopier les settings de l’époque, et parfois, ça bluffe même les anciens pros. Pour les amoureux du matos, c’est un terrain de jeu… et un champ de bataille. Pour les jeunes musiciens, intégrer un tribute bands, c’est souvent une vraie formation en accéléré. On y apprend à tout faire bien, très vite. Pas de place pour l’approximation quand on reprend Comfortably Numb, Bohemian Rhapsody, Kashmir, Smoke On The Water, Money For Nothing, Highway To Hell, Little Wing ou Hotel California… Plus d’un musicien en herbe, ou même vétéran chevronné, ressortira de cet équivalent d’un Harvard du rock ou d’un Oxford du live en devenant meilleur, tout simplement. Au moins autant qu’après dix master classes ou autres leçons avec les meilleurs professeurs. Être intégré à un tribute band suivi par un large public est sans aucun doute une sorte de diplôme d’études supérieures qui valorisera votre C.V. !

Quelques tribute :

THE AUSTRALIAN PINK FLOYD

C’est sans doute le plus célèbre des tribute bands au monde, avec un show époustouflant (kangourou et razorback gonflables géants de rigueur), mais ce n’est pas ce qui le rend intéressant. Ce sont les musiciens qui font la différence, notamment les guitaristes David Fowler et Luc Ledy-Lépine, qui incarnent à eux seuls la rigueur et la musicalité du projet. Tous deux partagent un respect absolu du son Floyd. Luc, que nous avons rencontré, évoque un travail quotidien sur les arrangements, les effets, le phrasé. Pas question de simplement réciter. Fondé en 1988 par Steve Mac (guitare), Lee Smith (guitare) et Jason Sawford (claviers), TAPF célèbre cette année les 50 ans de « Wish You Were Here ».

SO FLOYD

Parmi les tributes français à Pink Floyd, So Floyd s’impose par son sérieux musical et une approche scénique soignée, mais sans esbroufe. Le groupe est emmené par la choriste Karine Arenas et le chanteur Gabriel Locane, épaulés notamment par les deux guitaristes d’exception, Jean-Philippe Hann (qui assure aussi de nombreuses parties vocales) et Alain Perez. Leur spectacle, également très visuel (écran circulaire obligatoire) revisite les grands titres, comme les morceaux moins connus, avec une belle cohérence d’ensemble. Pas de mimétisme à tout prix, mais un vrai souci de fidélité. Y compris dans les envolées instrumentales périlleuses. Outre ses douze membres, So Floyd, c’est aussi 3 semi-remorques et 20 techniciens sur la route !

LeNOISE

Fondé en 2017, LeNoise est un tribute bands belge dédié à Neil Young et Crazy Horse. Mené par Piet De Pessemier au chant et à la guitare et Luc Schreurs (guitare), il s’est produit avec succès en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, offrant des interprétations fidèles de classiques du style Cinnamon Girl, Like A Hurricane, Hey Hey, My My (Into the Black), Rockin’ In The Free World et autres Heart Of Gold ou Old Man... Leur approche sobre et passionnée a plus que convaincu les fans du Loner présents à la Salle Pleyel de Paris le 23 janvier dernier.

THIS IS MICHAEL

This Is Michael recrée les grands shows de Michael Jackson avec une précision visuelle et chorégraphique rare. Écrans géants, mise en scène millimétrée, danseurs internationaux, et surtout, un casting vocal rigoureux. En invité régulier : Jennifer Batten, guitariste historique du King of Pop sur les tournées « Bad », « Dangerous » et « HIStory ». Sa présence donne au spectacle une authenticité unique. Le spectacle enchaîne les tubes, de Thriller à Billie Jean, en passant par Beat It, Smooth Criminal ou Black Or White… Un show à la hauteur d’un artiste qui a cumulé presque autant de numéros 1 que les Beatles.

RANDY HANSEN (MORE EXPERIENCE)

© DR

Il ne l’imite pas : il l’habite. Depuis la fin des années 70, Randy Hansen reprend Jimi Hendrix avec un tel naturel que même les proches du Voodoo Child s’en disent troublés. Né à Seattle comme Hendrix, il développe très tôt ce jeu fluide, acrobatique, jamais démonstratif. À la tête de son power trio More Experience, il recrée le son et l’esprit du Maître sans tomber dans le musée vivant. Une Strat, un Marshall, un groove, une présence scénique animale. Randy Hansen ne fait pas du Hendrix : il joue avec lui.

THE RABEATS

© Jean-Pierre Sabouret

Trente ans de scène, des Zéniths dans toute la France, et un public fidèle : les Rabeats, fondés à Amiens par les frères Sylvain et Nicolas Rougé, ont durablement marqué le paysage des tribute bands en France. Sans chercher la ressemblance physique, ils ont misé sur les harmonies, les costumes, et un parcours chronologique à travers la carrière des Beatles. Un hommage populaire, pensé pour rassembler toutes les générations. C’est dans l’antre du Dôme de Paris (Palais des Sports) qu’ils feront leurs adieux à la scène, le 20 juin 2025 — en écho au dernier concert des Beatles en France, soixante ans plus tôt. « The End », comme le chantaient leurs maîtres avant de se séparer…

QUEEN EXTRAVAGANZA

© Jean-Pierre Sabouret

Créé en 2011 par Roger Taylor, le batteur historique de Queen, Queen Extravaganza n’est pas un tribute comme les autres : c’est la version officielle, validée par le groupe. Les musiciens ont été sélectionnés lors d’un immense casting mondial. Au chant, le Canadien Marc Martel a longtemps porté le rôle de Freddie Mercury, sa voix a même été utilisée pour le film « Bohemian Rhapsody ». Aujourd’hui, Alirio Netto et Gareth Taylor, deux Mercury pour le prix d’un, lui succèdent avec brio. Un show calibré à l’anglo-saxonne, fidèle à l’époque des grandes tournées, avec un très impressionnant Nick Radcliffe à la guitare.

BEATALLICA

© Jean-Pierre Sabouret

Imaginez les Beatles qui reprendraient Metallica, ou l’inverse. Beatallica, c’est exactement ça : un mash-up improbable entre « Revolver » et « Master Of Puppets », avec de nombreux gags du genre Sgt. Hetfield’s Motorbreath Pub Band, And Justice For All My Loving, All You Need Is Blood, Hey Dude… Derrière la blague, il y a de vrais musiciens, un vrai jeu de scène, et un public qui suit. Le groupe parvient à mélanger l’humour, la technicité et une sacrée dose de respect pour les deux répertoires. Pas un tribute au sens strict, mais un ovni irrésistible et furieusement bien fichu. Inconditionnel des Beatles et presque autant de Metallica, Mike Portnoy ne tarit pas d’éloges : « C’est du pur génie ! Vous comptez un fan de plus ! » Il connaît bien son sujet puisqu’il a lui-même monté Yellow Matter Custard, un tribute aux Beatles avec Paul Gilbert, Neal Morse et Matt Bissonette.

Article paru dans le numéro 369 de Guitar Part.

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Story
Jean-Pierre Sabouret
31/7/2025
DR
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