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Doug Aldrich, The Dead Daisies - Mieux vaut être Aldrich

En tournée avec The Dead Daisies pour défendre « Lookin’ For Trouble »,un nouvel album de blues « puissant », Doug Aldrich nous a reçus dans le QG parisien de Gibson. Passé par Lion, Hurricane, House of Lords, Bad Moon Rising, Dio ou Whitesnake, il revient sur cette aventure collective, son attachement aux Les Paul, son combat contre la maladie et sa toute nouvelle tête d’ampli Blackstar DA-100 Ruby.

Comme chez lui dans les locaux de Gibson France. © Jean-Pierre Sabouret

Avant toute chose, cela fait vraiment plaisir de te revoir en pleine forme sur scène après la grosse frayeur de l’an dernier…

Doug Aldrich : Oui, je suis parfaitement rétabli, merci… Mais je dois régulièrement faire des examens. J’ai eu le résultat de mes tests sanguins avant de venir en France et ils sont parfaits. Mais effectivement, 2024 a été très difficile pour moi. Un jour, je me rasais dans la salle de bain, et j’ai remarqué une petite bosse au niveau du cou. Un ganglion, comme quand tu es malade, mais là, c’était bizarre. J’ai cherché un peu, et tout ce que je trouvais conseillait d’attendre deux semaines pour voir si ça passait. Je suis parti en tournée, puis rentré… Mais la bosse était toujours là. J’ai fini par consulter un médecin. Test après test, ils ont découvert quelque chose dans mon cou qui n’avait rien à y faire. Résultat : un cancer, localisé sur l’amygdale, qui avait déjà atteint les ganglions. Stade 2 ou 3, ce n’était pas bénin. Il a fallu opérer pour retirer l’amygdale et les ganglions touchés, puis j’ai enchaîné six semaines de radiothérapie. Et ce n’était pas une partie de plaisir. Quand tu fais des rayons sur le cou, c’est ta gorge et les muqueuses qui prennent, ça brûle de l’intérieur. Ma femme a eu une idée géniale : avant chaque séance, elle m’a fait prendre une cuillère de miel de Manuka. Je ne connaissais pas, mais c’est un miel incroyable, presque magique. Elle avait fait des recherches, et ça m’a protégé. Je n’ai jamais eu la gorge brûlée à l’intérieur, ce qui est très rare. Mais l’extérieur, oui, j’ai été bien brûlé. Et puis les rayons te fatiguent énormément. Tu perds le goût, tu as des problèmes de nez, de salive, ton cou fonctionne mal… Tout met du temps à revenir. Mais, maintenant, je me sens bien. Je récupère un peu plus chaque jour. Je fais encore des tests de contrôle, mais le pire est derrière moi.

Tu as envisagé de ne plus pouvoir jouer ?

Bien sûr, l’idée m’a traversé. Mais je m’en suis remis à dieu, à ce qu’il voulait de moi et j’ai surtout pensé à mes enfants. C’était plus important que la guitare, le groupe ou même la musique… Je suis un « vieux père » de 62 ans avec une fille de neuf ans. Je voulais être là pour elle. Bien sûr que je veux encore jouer, partir en tournée, enregistrer… Mais ce qui compte avant tout, c’est d’être vivant.

Au Forum de Vauréal le 14 mars 2025. © Jean-Pierre Sabouret
Doug de nouveau à 100% avec John Corabi et David Lowy. © Jean-Pierre Sabouret

Et tu es revenu en super forme, on l’a constaté au concert d’hier soir au Forum de Vauréal. Mais aussi avec un nouvel album dédié au blues, « Lookin’ For Trouble », très peu de temps après le septième, « Light ’Em Up »…

Oui, en fait, on avait deux albums en parallèle : un album rock classique, « Light ’Em Up », avec John Corabi de retour au chant, et un album de reprises blues, « Lookin’ For Trouble ». Ce dernier est très brut, très spontané, avec chaque titre enregistré quasiment en une prise, sans calcul ni surproduction. L’idée était de rendre hommage, mais à notre manière : The Thrill Is Gone, Born Under A Bad Sign, une version très personnelle de Black Betty… C’était passionnant et exaltant de faire ça sans pression.

Dans le passé, vous avez souvent fait des reprises, ma préférée étant votre version très metal de Helter Skelter…Ouais, ce morceau est incroyable. Pour moi, c’est l’un des premiers vrais titres heavy metal de l’histoire. Il y a quelque chose de primitif et brutal là-dedans, une rage presque punk. On avait envie de rendre hommage à cette énergie-là.

Mais sur ce nouveau disque dédié au blues, vous avez évité les choix évidents. Même s’il s’agit parfois de titres du répertoire de Jeff Beck, Eric Clapton, Jimi Hendrix ou des Rolling Stones…

Oui, on ne voulait pas tomber dans le piège des tubes usés. Il n’y a pas de gros hits du blues au sens classique, mais des morceaux qui ont un lien fort avec l’histoire : Cream, Hendrix, des trucs associés à Clapton ou à Beck… Mais sans refaire les standards. On a essayé de creuser un peu, de trouver un juste milieu  entre les évidences et les références plus obscures. Pour certaines reprises, on les a vraiment prises à contrepied… Comme Black Betty. On a voulu en faire un vrai stomp blues, alors que la version originale de Leadbelly n’a rien à voir avec celle de Ram Jam que tout le monde connaît. Et c’est marrant, parce que peu de gens savent que c’est un vieux morceau blues à la base. La version de Ram Jam est super, mais on cherchait autre chose. Pour The Thrill Is Gone, on a joué sur la texture, le rythme, pour le sortir un peu de l’ombre immense de B.B. King. On ne va pas faire mieux que lui, bien sûr, mais on peut proposer une autre couleur. Et, à l’inverse, sur Born Under A Bad Sign, on est restés très proches de l’original. Mais ce qui était génial pour cet album, c’est qu’il n’y avait pas de préparation. Vraiment aucune. Pas de réflexion : on prenait les guitares, on disait : « On y va ? » Et bam ! Pas le temps de douter. On se posait à peine la question : « C’est bon comme ça ? » La réponse était toujours : « Je ne sais pas, mais on verra bien… »

Tu ne crains pas les critiques sur les albums de reprises ? Certains musiciens, peu nombreux malgré tout, les fuient comme la peste… Pour eux, un groupe ne doit avoir que des titres originaux…

Je comprends ça. Comme nous, des musiciens du genre Joe Bonamassa, Kenny Wayne Shepherd ou Jared James Nichols connaissent tous ces standards et ils les jouent plus ou moins souvent, mais ils veulent défendre avant tout leurs propres morceaux. Et c’est cool. En ce qui nous concerne, on voulait juste se faire plaisir. On a cherché à rendre hommage à ces titres-là, en les jouant différemment. Et puis c’était rapide à faire, vu que les morceaux existaient déjà. Bien sûr qu’on pourrait écrire nos propres titres blues — on en a plein en stock, des shuffles en majeur, des plans en mineur —… Mais, cette fois, on voulait du fun, des reprises sympas, et on y est allés à fond.

Et The Dead Daisies, c’est désormais ton seul engagement ?

C’est mon groupe à 100 %, oui. Et ça va faire presque dix ans. J’ai arrêté tous les autres projets pour me concentrer dessus. On a bossé dur, avec Glenn Hughes, puis avec le retour de John Corabi. C’est une famille. On écrit ensemble, on enregistre ensemble, on joue live en studio. C’est du rock à l’ancienne.

On pourra toute de même s’étonner que ton choix se soit arrêté sur TDD, vu le nombre de sollicitations que tu avais eu auparavant…

Pour ne pas trop m’étendre, j’avais arrêté la route. J’étais encore avec Whitesnake et on était sans arrêt en tournée ou en studio. En parallèle, je traversais une séparation, et je devais m’occuper de mon fils. J’ai décidé qu’il fallait que je pose la guitare un moment pour me concentrer sur ma vie. Je suis resté aux États-Unis, je jouais un peu à Vegas avec des potes, des plans tranquilles. Et puis Glenn Hughes m’a appelé : « Je pars sur la route, tu veux venir ? » J’ai dit oui, et, dans la foulée, les Dead Daisies m’ont contacté : « Tu veux faire un disque avec nous ? » Je leur ai demandé : « Comment avez-vous pensé à moi ? » En fait, Richard Fortus, qui jouait avec eux, repartait avec Guns N’ Roses et il m’a recommandé. Je le connais depuis longtemps, on est amis. Et je connaissais déjà Marco Mendoza et John Corabi… On s’est rencontrés quand on était gamins.

Avant d’aborder la guitare, on va parler ampli, car tu as un nouveau bébé, non ?

Oui, un nouvel ampli signature chez Blackstar : le DA-100 Ruby. J’ai entamé une nouvelle collaboration avec la marque. Tout a commencé il y a deux ans, pendant la tournée Best Of. On cherchait une marque pour nous accompagner et Blackstar nous a fourni tout le backline. On a testé plusieurs amplis et on a choisi le HT 100 Stage, le Mark III. Trois canaux, plus de possibilités que ce dont j’avais besoin, mais un super son, vraiment. On l’a utilisé en tournée, et puis ils m’ont ensuite proposé de développer un modèle spécial pour moi. J’ai dit : « Pourquoi pas ? » On a fait quelques ajustements, essayé différentes choses, et on est arrivés à ce DA-100 Ruby. Il est magnifique, avec sa couleur rouge rubis, et il sonne incroyablement bien. Ce que j’adore avec cet ampli, c’est qu’il a un vrai grain british classique, mais il peut aussi aller chercher des sons plus Fender, ou même des trucs très « boutique ». Il est super polyvalent. Le canal crunch, avec un peu de gain et beaucoup de volume, sonne large et ouvert. Chaque canal a plusieurs voix possibles, donc tu as quasiment six options différentes. En studio, c’est génial. Et surtout, il y a cette technologie CabRig que Blackstar a vraiment maîtrisée. Une sortie XLR avec simulation de baffle intégrée. Tu peux enregistrer directement ou envoyer ça en façade, sans avoir à passer par des baffles et des micros : tu branches et tu joues. Et ça sonne du feu de dieu !

En revanche, pour les guitares, tu ne sembles guère décidé à mettre au placard tes Gibson Les Paul, contrairement aux Fender ou autre…

Ahah ! Non, ça, c’est sûr ! J’ai toujours été un fan absolu des Les Paul. J’adore leur son, leur poids, leur attaque. J’ai une Goldtop de 1990, une reissue du modèle 1957, que je traîne partout. Mais également une Custom noire de 1973, une blanche de 1978… Elles ont chacune leur caractère. Et elles sont toutes équipées de mes micros signature que j’ai développés avec John Suhr : très versatiles et puissants, mais musicaux. Je ne suis pas fétichiste du matos, mais, quand tu trouves une guitare qui te parle, tu la gardes. Et, moi, mes Les Paul me parlent. J’ai aussi bossé avec d’autres marques au fil du temps : Fender, Jackson… Mais, dans les années 90, je suis vraiment revenu aux Les Paul. Je les utilisais pour enregistrer à la maison, alors que je jouais aussi pas mal sur des Strat sur scène. Quand j’ai bossé avec Dio, on alternait les deux. Mais quand j’ai rejoint Whitesnake, David Coverdale m’a dit : « J’adore quand tu joues sur Les Paul, je veux que tu continues ! » En tournée, j’avais bien quelques autres guitares avec moi, une Fender Telecaster par exemple, mais les Les Paul, c’est vraiment mon socle. C’est de là que je viens. En fait, lorsque je suis parti en tournée avec Whitesnake, j’avais ma Custom 73, mais John Sykes jouait également sur une Les Paul similaire. Je ne voulais pas que l’on pense que je cherchais à le copier, à faite une sorte de tribute à la période Sykes… Alors j’ai ressorti ma Goldtop. C’est la première guitare sur laquelle j’ai joué quand j’étais môme.

Doug au Théâtre Antique de Vienne le 16 juillet 2022. © Jean-Pierre Sabouret
© Jean-Pierre Sabouret

Tu te sens encore en phase avec le classic rock, quelles que soient les modes ?

Plus que jamais ! Il y a plein de nouveaux groupes qui font du rock à l’ancienne et qui déchirent : Rival Sons, Blackberry Smoke, The Treatment, Black Stone Cherry… Il y a encore un public énorme pour ça. Ce n’est pas une mode, c’est un langage. Et puis il faut être honnête, quand les gens écoutent des hits à la radio, ce sont toujours les mêmes progressions d’accords. Il m’arrive d’écouter ces titres et ça me paraît évident. J’ai déjà entendu ça des centaines de fois. Il y a juste de nouvelles paroles et, comme les chansons sont interprétées par Lady Gaga ou Bruno Mars, ça passe comme des nouveautés. Mais je ne crois pas qu’on puisse vraiment dépasser le son, la puissance, l’attitude, l’énergie de ce qu’on appelle aujourd’hui le classic rock. Nous sommes un peu les derniers des Mohicans, mais nous restons nombreux malgré tout.

Et tes enfants, ils écoutent quoi ?

Ils ont quand même été élevés au rock. Mon fils joue de la guitare en se prenant pour un rocker, même s’il écoute des choses très différentes. Je ne sais même pas quoi, il a toujours son casque sur les oreilles… Ma fille adore danser, alors elle écoute aussi du Lady Gaga… Mais elle a crié « rock’n’roll ! » en entendant Judas Priest à quatre ans. Je pense qu’on n’est pas trop mal dans la famille Aldrich.

Un dernier mot ?

Oui : « keep playing ! ». Quand j’étais malade, j’ai reçu quantité de messages d’encouragement et un ami m’a envoyé cette vidéo d’Eddie Van Halen disant juste ça en regardant droit dans la caméra : « Ne t’arrête pas de jouer, mec ! Il n’y a rien de mieux que la musique… » Il était également malade à l’époque et, croyez-moi, j’ai compris le message.  

Tu continues à apprendre ?

Toujours ! Je suis encore en train d’essayer de comprendre la musique. Et puis il y a beaucoup de nouveaux guitaristes incroyables aujourd’hui. Je pense à Jared James Nichols, Artur Menezes, Philip Sayce… Il y a des types formidables partout sur YouTube, en live. Je suis curieux, j’écoute, je pioche. Je n’ai jamais voulu arrêter d’apprendre. Certains donnent l’impression que c’est facile pour eux. Ils ont pris une guitare et c’est comme venu tout seul. Mais je suis du genre à devoir travailler pour arriver à quoi que ce soit. Après, quand je sens quelque chose, même s’il y a quelques erreurs techniques, c’est l’énergie que ça me transmet qui compte. Si j’ai un conseil à donner, c’est celui-là. Assurez-vous que ce que vous jouez vous procure un maximum d’excitation, point barre !  

Pro et prof’ !

Avant d’être le guitariste toujours efficace et humble que l’on connaît, Doug Aldrich a donné des cours de guitare… à un tout jeune George Lynch (Dokken, Lynch Mob…) ! Il a aussi auditionné pour Kiss en 1982, à tout juste 18 ans, sans maquillage ni costume. Et son premier album instrumental autoproduit, « Highcentered », sorti en 1990, s’est vendu uniquement par correspondance, via des annonces dans le magazine Guitar World. Old school jusqu’au bout.

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