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A day in the life - Robert Cray – Montreux 9 juillet 1986

Montreux 1986. Un soir d’été où tout a basculé pour Robert Cray. Invité par Claude Nobs, entouré de figures mythiques, Eric Clapton, Otis Rush et Luther Allison en tête, le bluesman américain livre un concert décisif et grave son nom dans l’histoire du festival. Presque quarante ans plus tard, il déroule pour nous ses souvenirs, avec cette voix tranquille et précise qui n’a rien oublié, ou presque… Une immersion rare dans le blues à hauteur d’homme, vue depuis la scène. J’avais l’immense privilège, d’être au premier rang et de prendre quelques photos.

Robert Cray : Ce n’est pas toujours évident de remonter aussi loin dans le temps… Il faut un déclencheur, un petit truc qui rallume la mémoire. Sur cette période, je me souviens qu’un peu avant Montreux, nous étions en tournée avec Eric Clapton. C’était à l’époque où il venait d’enregistrer Bad Influence pour son album « August ». Alors oui, ça remonte. On avait joué à Montreux avant ça, mais c’était un set très court, presque un passage éclair. Alors, cette fois-là, pouvoir jouer plus longtemps, c’était vraiment cool. Pour nous, c’était une vraie chance. On pouvait enfin s’exprimer plus, prendre le temps d’installer quelque chose. C’était important. Je connaissais bien la réputation du Montreux Jazz Festival. Pour nous, c’était un événement majeur. Très prestigieux. Rien que d’être invité, c’était déjà quelque chose. Bien sûr, on était un peu tendus, avec le trac… Mais on mesurait l’importance du moment. Quand tu regardes l’affiche, le programme, tous ces noms légendaires… Et que tu réalises que tu fais partie de cette scène-là, ça te laisse une empreinte durable. À cette époque-là, je ne pense pas que beaucoup de gens connaissaient nos disques. Et puis, on n’en avait pas tant que ça. En 86, on devait avoir quoi… quatre, peut-être cinq albums au compteur. Pas plus. On était encore en train de se faire un nom, doucement. On avait sorti deux albums chez Hightone, et un autre avant ça sur Tomato Records. Et puis, bon, on jouait beaucoup dans les bars à l’époque, alors on faisait pas mal de reprises aussi. On adaptait notre setlist chaque soir, en fonction de l’ambiance, du lieu. Rien n’était figé. Ce soir-là, à Montreux, c’était sûr qu’on allait jouer un truc un peu différent de ce qu’on faisait d’habitude.

Parmi les reprises, il y avait du Albert King, Jimmy McGriff, Johnny Guitar Watson, évidemment, T-Bone Walker… et même Little Bob & The Lollipops. Un mélange de blues, de soul, de R&B… C’est ce qu’on écoutait, ce qui nous parlait, ce qui nous faisait vibrer. On voulait que ça se sente sur scène. On écoutait vraiment de tout. Du R&B, du blues, des chanteurs, des guitaristes… Johnny Guitar Watson, notamment — une vraie référence pour nous. Dans le groupe, on partageait énormément de musique, chacun apportait ses influences. Et puis on a beaucoup appris des musiciens qu’on a croisés sur la route, à cette époque. La setlist de Montreux, finalement, c’était le reflet de tout ce qui nous habitait musicalement à ce moment-là. On était un vrai groupe. On avait passé tellement de temps à jouer dans les clubs que c’était devenu une mécanique bien huilée. On était soudés, capables de changer de direction en un clin d’œil. On écoutait pas mal de James Brown aussi, et on admirait cette façon qu’il avait de mener son orchestre d’un simple coup de pied au sol. Cette rigueur, cette réactivité, ça nous fascinait. On essayait de capter un peu de ça, à notre manière.

En 1986, Robert Cray est devenu tête d’affice d’un des plus grands festivals au monde. © Jean-Pierre Sabouret
Robert Cray a pu assister et participer à une rencontre au sommet : Otis Rush et Eric Clapton. © Jean-Pierre Sabouret
Avec un T-shirt aux couleurs du 20ème anniversaire du festival. © Jean-Pierre Sabouret

Nous avions un son différent. Ma guitare avait cette clarté, cette brillance, avec pas mal d’aigus — c’était tout simplement le son que j’aimais. Et puis, notre musique, elle avait quelque chose d’un peu à part aussi. On n’avait pas la même approche que beaucoup d’autres groupes à cette époque. Les années 80, c’était une drôle de période. Le blues n’était pas vraiment à la mode — il ne l’a jamais été dans les charts, d’ailleurs — mais on aimait ça. On jouait ce mélange bien à nous, un peu de soul, un peu de blues, porté par un groupe avec sa propre dynamique.

Claude Nobs, l’organisateur du festival, était un type formidable. J’ai toujours apprécié le fait qu’il nous ait invités cette année-là. C’était vraiment classe de sa part. À l’époque, on travaillait avec une agence qui s’appelait Rosebud. Elle s’occupait d’artistes comme John Lee Hooker, Muddy Waters, John Hammond… Des grands noms. Je suppose que Claude a contacté Mike Kappus, qui dirigeait Rosebud, et c’est comme ça qu’on a été invités à Montreux. C’est du moins ce dont je me souviens. Le jour de notre balance, j’étais assis à l’avant de la scène, quand Claude Nobs est sorti des coulisses. Il venait de parler avec Eric. Il s’est approché de moi, une cassette à la main, et me l’a tendue en disant : « Eric vient de me donner son enregistrement de Bad Influence ». C’était ma chanson ! Et là, Eric est arrivé, s’est assis à côté de moi et m’a demandé s’il pouvait essayer ma guitare. On a discuté un moment. On allait justement le rejoindre pour une nouvelle tournée. Il avait Phil Collins à la batterie, Greg Phillinganes aux claviers, Nathan East à la basse. Une sacrée équipe.

Pour la guitare, j’étais déjà exclusivement sur mes Fender Stratocaster. Ça a toujours été mon instrument principal. Fender a depuis sorti un modèle Robert Cray que j’utilise encore aujourd’hui. C’est une Strat, bien sûr, mais avec les spécificités qui correspondent à mon jeu. J’ai aussi une Steel DeVille Telecaster fabriquée par James Trussart. Il m’arrive de l’utiliser sur scène, de temps en temps. Mais sinon, je reste fidèle aux Stratocaster. À part celle-là, je ne change pas beaucoup. J’ai changé d’amplis au fil des années. À Montreux, à l’époque, je jouais surtout sur un Fender Super Reverb, avec un son très clair, très brillant. Quelques années plus tard, quelqu’un m’a parlé des amplis Matchless et je m’y suis mis. Ils ont aussi un son brillant, mais un peu plus rugueux, un peu plus sale. J’ai utilisé deux Matchless en même temps, puis un autre ampli Fender… Je ne me souviens plus du modèle exact, celui avec trois HP de 10 pouces… Aujourd’hui, je fais moins attention aux noms, mais j’ai gardé ce goût pour les sons clairs et définis.

On est actuellement en tournée aux États-Unis. Ensuite, on partira au Royaume-Uni, puis on sera en Europe à partir de juin. Avec un passage obligé par Paris. On n’a pas de nouvel enregistrement pour le moment. On continue à fouiller dans le stock de morceaux qu’on a sous le coude. Mais on espère bien retourner en studio au plus vite. Mais d’ici là, on se retrouve à Paris en juillet !

Article paru dans le numéro 370 de Guitar Part.

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