Après 33 ans d’existence, le festival Le Rock Dans Tous Ses États jette l’éponge, une session d’activité qui entraîne également la disparition de l’association organisatrice, l’Abordage.
Difficile d’imaginer la grande sarabande des festivals sans l’un des plus anciens, Le Rock Dans Tous Ses États (RDTSE). Et pourtant, ce rassemblement à taille humaine créé en 1984 du côté d’Evreux, a dû baisser pavillon après un bras de fer avec la municipalité. Certes, le festival paye sans doute ses 2 éditions où les caisses n’ont pas été remplies comme espéré (90 000€ de pertes en 2016 et 130 000€ en 2008). Pas facile de faire face à une concurrence accrue (le festival Beauregard se déroule 2 semaines après le RDTSE et est à 1h40 en voiture d’Évreux) et à l’explosion des sommes versées pour prendre en charge les cachets des artistes. Mais cela ne peut expliquer entièrement cette cruelle décision finale.
Politiquement incorrect « Il existe un désaccord profond sur la ligne artistique », avoue Thierry Auzoux-Lavallé, le directeur de l’Abordage. « Le maire veut des artistes connus à la télé, des têtes d’affiches grand public, et non pas des groupes de rock indé dont il n’a jamais entendu parler, programmés par une équipe, celle de l’Abordage, jugée trop indépendante. » Plutôt que de défendre un festival qui a toujours su trouver l’équilibre entre valeurs sûres et découvertes (Alain Bashung, Noir Désir, IAM, MC Solaar, Sonic Youth, mais aussi Metz, Fidlar, Parquet Courts…), Guy Lefrand (Les Républicains), le maire d’Évreux élu en 2014, a préféré tenir un discours fantaisiste en parlant d’un déficit allant de 500 000€ à 1 million€. Pourtant, le 15 novembre 2016, tout semblait aller un peu mieux, Jean-Pierre Pavon, l’adjoint à la culture, déclarant à la presse que la municipalité « mettrait tous les moyens » en œuvre pour sauver le festival. L’art de la langue de bois que l’on connaît trop, hélas, en politique. Le 12 décembre 2016, l’annonce de la coupure des subventions tombait.
La vérité est ailleurs Alors oui, le RDTSE connaissait d’importantes difficultés financières et la municipalité jalousait sans doute les bons résultats du festival de Beauregard basé à Hérouville-Saint-Clair près de Caen. Mais il est difficile, pour ne pas dire impossible, de comprendre une telle décision surtout que, dans la foulée le maire d’Évreux, qui s’est un jour défini comme « le nouveau Jack Lang » promettait la création d’un nouveau festival (« de rock indé » selon monsieur Pavon) à la même période et sur le même site de l’hippodrome… et avec le même budget. Étrange, tout comme certaines précédentes décisions : intégration de l'Abordage au sein d’un EPCC (établissement public de coopération culturelle), retirant ainsi à l’association la gestion et la programmation de la salle de la MJC, un lieu qui lui permettait de vivre, ouverture d’une nouvelle SMAC (scène de musiques actuelles) dont l’Abordage, pourtant concertée depuis le début du projet, est écartée de la gestion… Heureusement, les 10 salariés de l’association ont réussi à se replacer. « Certains travaillent désormais pour l'EPCC, et 2 autres ont rejoint l'équipe du 106, la SMAC de Rouen », confie Thierry Auzoux-Lavallé. Une triste nouvelle et un bien joli gâchis. Espérons que ces événements musicaux à taille humaine (avec une fréquentation tournant autour des 20 000 festivaliers) continuent d’exister pour ne pas laisser uniquement la place aux grandes messes du genre. Il y a peu, après son édition 2016, le Motocultor Festival lançait une campagne de financement participatif (ici) pour espérer continuer et fêter ainsi ses 10 ans d’existence. De nos jours, organiser des concerts reste souvent un combat de tous les instants...