Au cours de nos différentes rencontres avec des musiciens amateurs et professionnels, il nous est souvent arrivé de mentionner, le cœur arraché, les petits et gros accidents qu’ont connu nos instruments. Notre matériel a une histoire à raconter, mais peu savent qu’il est souhaitable de les assurer pour être indemnisé en cas de bris ou de vol. Nous avons interrogé trois professionnels du secteur à ce sujet : Céline Courtoison, d’Adagio Assurance, Jean-Franck Grimaud de Music Assur et Sylvain Meistremann de Verspieren. Nous ne sommes pas rentrés dans le détail des contrats et tarifs, car chaque musicien est un cas particulier et nécessite du sur mesure, en revanche, nous avons trouvé intéressant de sensibiliser sur un sujet dont certains ignorent totalement l’existence ou s’estiment suffisamment couverts avec une assurance habitation.
Les assurances visent-elles les particuliers ou uniquement les entreprises et les services publics ?
Contrairement à un Smartphone ou un téléviseur, un instrument ne perd pas forcément de sa valeur et n’est pas à réduire à l’état de bien meuble dans le cœur de son utilisateur. Il mérite, à cet égard, un autre traitement. Comme nous l’explique Céline : « Adagio assurance s’adresse à la fois aux particuliers, aux écoles, aux conservatoires, aux luthiers, aux orchestres quand il y a des événements, et cela pour un ou plusieurs instruments. Nous assurons dans le cadre de l’habitation et à l’extérieur. Nous prenons alors en compte le périmètre géographique de déplacement. » Cette assurance est proche de Verspieren puisque Sylvain nous a confirmé assurer « aussi bien les professionnels que les amateurs, à la maison ou en extérieur, les parcs instrumentaux d’orchestres, d’opéras, conservatoire et école de musique. »
En revanche, Jean-Franck nous explique qu’en « dehors de leur contrat avec la CMF (Confédération Musical de France), Music Assur vise avant tout les particuliers qui souhaitent assurer leur instrument à hauteur de 20 000 €, qu’ils restent à la maison ou qu’ils voyagent. »
On peut assurer un instrument, quelle que soit sa valeur ?
Il est évident que l’on n’assure pas de la même façon un piano Bösendorfer à 200 000 € et une Stratocaster à 3 000 €, mais un instrument a aussi une valeur affective et l’on peut vouloir éviter des déconvenues pour du matériel à moins de 1000 €. Céline : « Adagio travaille avec les écoles et les conservatoires, les instruments prêtés sont parfois de toute petite valeur, nous les couvrons quand même. Nous avons donc des contrats avec des parcs complets d’instruments et d’autres pour un seul modèle. On assure en autonomie un instrument individuel jusqu’à 50 000 €, et les parcs instrumentaux jusqu’à 100 000 €. Au-delà de ces montants, on peut proposer également des garanties, on sera alors épaulés par notre porteur de risque. Mais ce sont des demandes très occasionnelles. »
De son côté, Sylvain confirme : « Verspieren assure tout type d’instrument et nous avons des fonctionnements différents selon les valeurs globales. Si on se base sur une seule guitare, la première tranche tarifaire est à moins de 600 €. Au-delà de 50 000 €, on ne fonctionne plus par tranche, mais par taux. »
Les instruments ne sont-ils pas couverts par les assurances habitation ?
Le premier conseil est de bien regarder son contrat. Un instrument est assuré à la hauteur des capitaux mobiliers déclarés, mais une assurance spécialisée offre des schémas de réparations et d’indemnisation spécifiques. De plus, si vous cassez votre guitare, à l’extérieur ou sous votre toit, une assurance habitation ne vous dédommagera pas plus qu’elle remboursera une télévision ou un smartphone après un mauvais geste. Enfin, comme le précise Sylvain : « l’assurance habitation applique des vétustés ou des valeurs à dire d’expert, mais celui en charge d’une assurance habitation est spécialisé dans le bâtiment, pas dans la lutherie. » En somme, l’assurance habitation n’est clairement pas suffisante pour couvrir un instrument.
Qui se charge d’expertiser l’instrument ?
Si vous avez eu le nez creux lors de l’achat ou si vous avez gardé un bon instrument plusieurs années en l’entretenant régulièrement, il a certainement pris de la valeur, ou n’en a pas perdu. Là encore, une assurance dédiée prend en compte ces singularités. Mais, pour cela, il faut qu’un expert intervienne… ou pas, cela dépend de l’assurance. Jean-Franck nous explique que ce qui fait foi est « La valeur d’achat. Et si vous avez un instrument plus ancien, vous pouvez estimer sa valeur par le biais que vous souhaitez. Pour une guitare qui a plusieurs années, la facture est désuète. L’instrument peut avoir perdu totalement de sa valeur ou en avoir gagné. Nous fonctionnons alors par système de fourchettes. Si vous estimez que l’instrument vaut 3 000 €, vous l’assurez pour cette somme. S’il est détruit, il sera expertisé et indemnisé à sa juste valeur ». Du côté d’Adagio : « À partir de 3 000 €, on demande la facture d’achat ou une expertise qui se fait auprès d’un luthier ou d’un magasin de musique habilité à déclarer la valeur d’un instrument. Si vous gardez votre instrument de nombreuses années, c’est au choix du client de le faire à nouveau expertiser ». Sylvain nous précise : « Un orchestre fait appel à un luthier pour estimer l’ensemble des instruments. Mais il est récemment arrivé qu’un opéra demande à chacun de ses musiciens de faire estimer son matériel. Nous fonctionnons alors en valeur agréée, cela signifie que l’on vous indemnise à hauteur de la valeur qui aura été estimée par le luthier. »
Vous assurez aussi contre l’usure du temps ?
Cette fois, les réponses sont unanimes, avec un sourire courtois nous rappelant que ce n’était pas un appel au père Noël. Comme nous l’explique Céline : « Notre métier est d’assurer contre les aléas, il faut qu’il y ait eu un sinistre du type vol, casse ou perte… ».
Article paru dans le numéro 371 de Guitar Part.